Projet Nomade

Retour

Projet NOMADE – Projet de Charlotte Pringuey-Cessac – Résidence à METAXU

Le mot n’est pas la chose, le réel se soustrait à sa représentation de même que « la carte n’est pas le territoire » ainsi que le proclamait Alfred Korzylski. Et si l’art n’est pas la vie, la carte peut-elle au moins définir les tracés de ces errances auxquelles les artistes s’adonnent autour du projet NOMADE de Charlotte Pringuey-Cessac. Celui-ci est exemplaire d’une démarche qui privilégie l’itinérance, l’expérimentation et le partage à la simple réalisation de l’oeuvre, de son achèvement et de la sacralisation qui en résulte. Elle s’élabore au fil d’un long processus où temps et espace s’entremêlent, dans l’incertitude des rencontres, au hasard du quotidien, si bien que plutôt que de s’amarrer à une résidence dans l’Espace d’Art METAXU à Toulon, l’artiste préféra une résidence nomade qui l’entraîna durant un mois dans un tour de France à bord de sa voiture où elle glissa dans l’étagère au-dessus de sa boite à gants des mouchoirs en porcelaine. L’enjeu consista alors à les échanger d’un lieu à l’autre avec 18 autres artistes pour des oeuvres qui tiendraient dans un espace aussi réduit. Et comme Charlotte Pringuey-Cessac transportait à chaque fois de nouveaux passagers, ces oeuvres devenaient l’objet d’une médiation, elles s’inséraient dans le flux d’une parole, dans la transformation du sens, dans une figuration de la fragilité et de l’éphémère.
L’infime se noue alors à l’intime tant tout projet résulte d’un cheminement personnel mais aussi d’un ensemencement pour une récolte incertaine et un partage. Le projet est aussi ce trajet. Et il impliquera dés lors un déplacement, un instant de qualité humaine dans la rencontre de l’autre et la solidarité. L’oeuvre aboutie en est le témoignage et chaque artiste ajoute sa modeste pierre à cette oeuvre commune. Quelle est la valeur d’usage de l’art ? Et si elle correspondait à une valeur d’échange autre que celle qui définit d’ordinaire nos rapports sociaux ? C’est aussi dans cette perspective que s’inscrivent les recherches de l’artiste quand elle se mesure à la polyphonie des autres créations, au dialogue et au jugement de ceux qui les approchent.
Souvent attachée à la notion de durabilité, l’oeuvre exprime pourtant un état ponctuel du monde. Elle est un présent continu qui énonce des potentialités humaines et sociales. L’éphémère conditionne ses formes en devenir. Aussi pour l’ensemble des artistes convoqués, le temps avec les séquences qui l’imprègnent reflète-t-il cette itinérance. Ce sont alors les moments impensés du quotidien, la répétition, la banalité dans les travaux de Manon Rolland ou bien les cartes postales empruntes d’une méditation sur la mémoire avec Caroline Bouissou. Simone Simon quant à elle ravive l’intensité ou l’effacement des souvenirs par des enregistrements sonores tandis que Nicolas Daubanes déclare : « Mon travail s’inscrit dans la durée, il dessine un chemin, une trajectoire qui tend vers la recherche de la liberté. »
Le temps demeure la matière mystérieuse de cet ensemble d’oeuvres toujours modestes mais résolument incrustées dans l’humain et la puissance émotionnelle. L’itinéraire est une chaîne fragmentée. Il renvoie des parcelles d’objets ou de mots comme les traces d’un passage dans la vie et chaque étape charrie l’humble instant d’un morceau d’existence qui se transforme en poésie. La traversée du temps est la quête de cet espace où se joue l’aventure de l’art.

Michel Gathier

Exposition du 03 février au 05 Mars 2021 – Galerie Eva Vautier – Nice

Survoler l’ image pour voir la légende

Or, la pensée étant ce qu’il y a de plus léger et de plus mobile, c’est elle qui représente la plus grande valeur.1
Kenneth White

Historique du Projet NOMADE

« En 2016, sur l’étagère située au-dessus de la boîte à gants de ma voiture sont entreposées de petites pièces énigmatiques en porcelaine blanche. Leur aspect immaculé évoque des mouchoirs. Cependant, au toucher, la froideur et la rigidité de la matière provoquent, le temps d’un instant, une ambivalence sensitive. Je place les petits objets sur cette étagère pour les avoir sous le regard lors de mes trajets, tels des penses-bêtes. Ce qui me permet d’y réfléchir tout en conduisant. Une sorte d’extension d’atelier – où que j’aille.

Accueillant des passagers à bord, ces objets en porcelaine suscitent la curiosité et une discussion advient. Très rapidement, je me mets à partager cette idée avec d’autres artistes que j’invite à intervenir librement dans ce dispositif, pour créer de nouvelles situations, en multipliant les interactions avec de nouveaux passagers.

En 2019, j’invite trois artistes : Albane Hupin, Daniel Nadaud et Maëlle Labussière. En 2020/21, je réitère ce projet lors d’une résidence à l’espace d’art METAXU à Toulon. Transformée en itinérance, cette résidence prend forme en un grand tour de France tirant jusqu’à la frontière franco-espagnole, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse. Je visite 18 ateliers d’artistes, autant d’étapes qui ponctuent le trajet. »

Charlotte Pringuey-Cessac

1 Kenneth WHITE, Investigations dans l’espace nomade, Editions Isolato, 2014.


Présentation

Le Projet NOMADE a pour objectif de créer une œuvre collaborative et itinérante. Ce projet s’inscrit dans une dynamique pour parler d’art, pour découvrir des œuvres – ou parler tout simplement – dans ce lieu intime de la voiture avec un public inconnu et renouvelé à chaque trajet. Ces échanges sont enregistrés avec leur accord.

L’itinérance solitaire ou collective amène à la découverte, à la rencontre, à l’échange. C’est également une liberté des mouvements – mouvement physique, mouvement de la pensée.

Les pièces imaginées par les artistes s’inscrivent dans l’idée de nomadisme, de la carte et du territoire ; de l’échange et de la transmission. Les pièces doivent être manipulables pour que les passagers puissent les appréhender de manière directe, comme une carte routière ou un jeu de voyage. Désacraliser l’objet artistique par la manipulation est une des multiples manières pour rendre accessible l’œuvre au passager.

A chaque voyage, une nouvelle proposition d’artiste est activée.

A l’issue de ce projet, une édition sous forme de coffret est réalisée. Elle comprend les intentions de chaque artiste, la photographie de leur proposition, les documents sonores et iconographiques de chaque trajet (les podcasts sur clef USB).

Les artistes

Les artistes participants au Projet NOMADE en 2020/21 seront – par ordre d’intervention dans la voiture :

  • Simone Simon – Cagnes-sur-Mer
  • Catherine Burki – Marseille
  • Caroline Bouissou – Catalogne (Bausen)
  • Laura Giordanengo – Toulouse
  • Nicolas Daubanes – Monflanquin (en résidence à Pollen)
  • Florian de la Salle – Poitiers
  • Manon Rolland – Nantes
  • Daniel Nadaud – Laval
  • Maelle Labussière – Maisons Alfort
  • Albane Hupin – Rouen
  • Vincent Chenut – Bruxelles
  • Alban Morin – Saint Etienne
  • Gabrielle Conilh de Beyssac et Jules Guissart – Pont-de-Barret
  • Marco Godinho – Luxembourg
  • Massimiliano Baldassarri – Neuchâtel
  • Anne-Laure Wuillai – Nice
  • Olivia Barisano – Vallauris
  • Charlotte Pringuey-Cessac – Nice (en résidence à Metaxu)